Impôts et taxes : à qui profitent les recettes au Togo ?

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Siège de l'Office togolais des recettes (OTR), Lomé.
Siège de l'Office togolais des recettes (OTR), Lomé.
« Dégagez monsieur ! Aujourd’hui, je n’ai pas d’argent. D’ailleurs, que faites-vous de tous ces fonds que vous collectez », demande une revendeuse de riz, toute furieuse, à un agent chargé de la collecte des taxes communales.  Soutenue par ses clients, elle réussit à chasser l’agent. Survenu à Lomé à Agoè Logopé en octobre 2022, les faits du genre sont courants au Togo. 07 blessés au marché d’Adidogomé-Assiyéyé, c’est le bilan d’une altercation entre une commerçante et des agents municipaux en mars dernier. Il est donc légitime, dans le but d’éclairer davantage les contribuables, de chercher à connaitre la destination des différents impôts et taxes collectés par l’Etat et les collectivités territoriales. Ou mieux, à qui profitent-ils ?

Alors que l’imprimante continue d’imprimer des documents, de l’autre côté se trouve Sergio, patron de l’entreprise. Il livre des papiers A4 aux clients. Nous sommes vendredi, le 18 novembre 2022. Le jeune entrepreneur de 27 ans nous accueille dans son bureau. « Payez-vous les impôts », lui demande-t-on. « Si je ne le faisais pas, on aurait fermé ma société depuis. Pour éviter ces ennuis, je fais tout pour être en règle », répond-il. Dès l’obtention de sa carte d’opérateur économique délivrée par le Centre de formalité des entreprises (CFE) et après son passage à l’Office togolais des recettes (OTR), il s’attache les services d’un comptable externe à sa boîte pour l’aider à faire les calculs nécessaires. « Toutefois, je ne sais pas à quoi sert réellement les fonds collectés. L’Etat l’utiliserait pour construire les routes, dit-on », souligne-t-il.

Impôts ou taxes municipales ?

L’impôt est une contribution du citoyen aux charges de l’Etat sans en entendre une quelconque contrepartie, selon l’OTR, institution chargée de recouvrer les impôts, taxes et droits de douanes pour le compte de l’Etat et des collectivités territoriales.

La taxe municipale ou communale quant à elle, « est perçue par la mairie en raison de l’occupation ou de l’encombrement d’une parcelle appartenant à l’Etat ». Le maire de la commune d’Agoè Nyivè 2, Djabakou Koffi Bolor, précise que « les taxes communales sont tout ce que les contribuables paient à la mairie parce qu’ils occupent la voie publique, exploitent des panneaux publicitaires ou parce que la mairie leur a rendu un service ». C’est le cas des tickets de marché.

Lundi matin, à l'entrée de la mairie d'Agoè-Nyivé 2
Lundi matin, à l’entrée de la mairie d’Agoè-Nyivé 2

Vous avez votre boutique ou vous menez une activité sur la place publique, la commune vous apporte un avis de taxe. Parce que la mairie est appelée à faire l’entretien des routes, le curage des caniveaux… Tout ça au profit des populations, explique le chef section de recouvrement d’Agoè-nyivé 1, M. Tchalim à propos de la taxe municipale.

A l’école des communes

Si de grands chantiers, comme la construction et la réhabilitation cette année de plusieurs infrastructures, sont effectués par l’Etat, leur entretien revient aux communes. Les responsabilités sont donc partagées comme l’explique M. Tchalim.

Les dames qui entretiennent les voies sont payés par la mairie. Nous recevons aussi la facture d’éclairage publique. C’est aussi la charge de la mairie. Lorsque les feux tricolores sont en pannes, on appelle la mairie. C’est l’Etat qui a construit ces infrastructures, mais c’est la mairie qui en assure l’entretien. L’Etat paye les fonctionnaires, la mairie paye ses employés.

L’objectif premier de la décentralisation, faut-il le rappeler, c’est le développement à partir de la base. Ainsi, l’Etat assigne à chaque commune la mission de se développer. « Et si chaque collectivité locale est développée, c’est tout le pays qui sera développé », souligne le chef section de recouvrement d’Agoè-Nyivé 1. « C’est en ce sens que l’Etat autorise la collecte des taxes par les mairies pour autofinancer leur développement. Mais il faut un personnel. Les mairies ont donc l’autorisation de recruter leur personnel et d’assurer leur salaire », ajoute-t-il.

Il sonne environ 12h, une femme entretien la voie principale de Légbassito du sable
Il sonne environ 12h, une femme entretien la voie principale de Légbassito du sable

Ce vendredi après-midi, les mairies d’Agoè-Nyivé 1 et 2 sont bondées de monde. Certains y sont pour légaliser des documents. D’autres y viennent pour rencontrer les responsables pour diverses raisons. Sur le chemin de retour, aux alentours de 12h, nous rencontrons Mama Marie, la quarantaine, débarrassant la grande voie de sable. Elle fait partie des personnes engagées par la mairie pour l’entretien des routes. « Nous faisons l’entretien tous les jours et nous sommes payés par la mairie à la fin de chaque mois », confie-t-elle, transpirant sous le chaud soleil.

Téléchargez ici le Guide du contribuable du Togo

Vu l’importance des activités que réalisent les mairies, outre les taxes communales et le Fond d’appui aux collectivités territoriales (FACT), l’Etat leur accorde d’autres appuis. Lorsqu’il collecte par le biais de l’OTR les impôts, une partie est versée aux communes. « Le montant à percevoir par chaque commune dépend des activités économiques qui s’y font. Plus elles sont importantes, la somme l’est aussi », explique le maire Djabakou Koffi Bolor. Sa commune (Agoè-Nyivé 2), comme plusieurs autres, dispose d’une seule caisse.

Bienvenue à la commune d'Agoè-Nyivé 1
Bienvenue à la mairie d’Agoè-Nyivé 1

« Qu’ils s’agissent des retours sur impôts versés par l’OTR ou des taxes communales, tout ce qui rentre dans la caisse appartient à la commune », renseigne le maire. C’est l’ensemble de ces fonds qui permettent aux mairies de « faire leur budget afin de pouvoir payer les salaires des employés, réaliser les travaux socioéconomiques », assure le maire. « Mais généralement, on souhaite que les impôts puissent être utilisés beaucoup plus pour les investissements et les taxes pour le fonctionnement », conclue-t-il.

Au service des populations

« Le marché de Legbassito était presque inexistant, parce que difficile d’accès. Grâce à nos ressources, nous l’avons aménagé pour permettre aux femmes d’exercer librement leurs activités », affirme M. Bolor.

Contrairement au marché de Légbassito, le marché de Belgique 1 animé tous les 05 jours est en délabrement. « Quand il pleut, le marché est inondé. Il y a de la boue un peu partout. On ne peut plus vendre ou acheter. Or c’est le seul marché du quartier », raconte Samira, 23 ans, revendeuse d’oranges. Lidia, 37 ans, revendeuse de friperies déplore l’absence de toilettes dans le marché et les tas d’ordure qui prennent de l’ampleur : « Nous sommes parfois obligés d’aller à l’église à côté pour nos besoins ».

Il suffit d'une petite pluie pour rendre le marché de Belgique 1 inhabitable
Il suffit d’une petite pluie pour rendre le marché de Belgique 1 inhabitable

Face à cette situation, une solution émerge. La mairie construit deux magasins et des hangars cantonaux améliorés pour protéger les commerçants contre les intempéries. Sur le chantier, 06 techniciens y travaillent. Le chef chantier assure que tout se passe comme prévu : « Nous avons commencé il y a quelques semaines. La semaine prochaine nous ferons le remblayage ». La mairie souhaite clôturer le chantier avant la nouvelle année.

La mairie d’Agoè-Nyivé 2 envisage aussi d’acheter un bulldozer pour aménager les voies. « Il faut que les routes soient ben dégagées pour que les gens ne soient pas toujours obligés de passer par les voies goudronnées pour aller chez eux. Si les routes sont praticables, on peut prendre n’importe quelle artère pour aller chez soi et ça permettra aussi aux entrepreneurs qui sont sur ces voies d’avoir plus de visibilité », affirme le maire.

Construction en cours de hangars cantonaux améliorés sur le site du marché de Belgique 1
Construction en cours de hangars cantonaux améliorés sur le site du marché de Belgique 1
Ces réalisations de l’Etat

Grâce aux impôts, les habitants bénéficient au quotidien de nombreux services publics (enseignement, sécurité, justice, transports, culture, sports…), parfois sans s’en rendre compte.

La performance réalisée par l’OTR en 2021, selon le Commissaire général de l’institution, Philippe Tchodie, est la conséquence des efforts de promotion de civisme fiscal, la digitalisation des procédures, limitant les fraudes.

A travers les recettes collectées, l’Etat finance les secteurs de développement. La suppression des frais de scolarité dans les établissements scolaires (collèges et lycées) publics en vigueur au Togo depuis l’année scolaire 2021-2022 est un exemple concret. Le Togo a aussi gratifié les parents d’élèves d’une autre aide en 2021 : l’exemption des frais d’inscriptions aux différents examens scolaires et universitaires. Plus récemment, la route de Ségbé (Lomé – Kpalimé) a été complétement réhabilitée. Les soucis d’évacuation d’eau ont également été corrigés, avec la réalisation d’un bassin de rétention d’eau . Plusieurs autres projets sont financés par les taxes et impôts.

Ces réalisations relèvent de la fonction sociale de l’impôt. Elle consiste, selon l’OTR à « utiliser des recettes collectées par l’Etat en vue d’améliorer les conditions de vie des populations par la mise en place d’infrastructures sociales (routes, marchés publics, hôpitaux, écoles, universités…) et la conduite d’une politique de lutte contre la pauvreté ».

Voulez-vous connaitre les trois fonctions de l’impôt ? Cliquez ici.

Afin d’accroître l’adhésion volontaire des contribuables et continuer les actions de développement pour une société inclusive, l’Etat doit continuer par rendre compte aux contribuables tout en intensifiant la sensibilisation sur le civisme fiscal.

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