Les Togolais ne sont pas qu’accros aux bières industrielles produites par les brasseries. Ils adorent aussi la bière locale (tchoukoutou, tchakpa, etc.), jusqu’ici préparée de façon artisanale. En témoignent la multiplication des points de vente dédiés et l’engouement qui y règne. En faire la promotion revêt des avantages, d’ordre socioéconomique mais aussi culturel.
Le conflit entre l’Ukraine et la Russie fait tournée les méninges. Le blé se fait rare et des pays africains étudient la possibilité de substituer la farine du manioc à la farine de blé. Faut-il attendre une crise pour valoriser les produits locaux ?.
Si au Togo, la majorité des bières industrielles est produite à partir du houblon, il est aussi possible de se servir des céréales, mais aussi du manioc pour en fabriquer. C’est le cas en Mozambique de la bière baptisée ‘’Impala’’. Le Togo pourrait s’en inspirer. Une initiative qui réjouira certainement les producteurs de cette céréale très cultivée dans le pays. En attendant d’y arriver ou même d’y songer, on pourrait commencer par valoriser les bières locales qui existent déjà sur le territoire national.
Pourquoi promouvoir le Tchouk ?
Il existe plusieurs variétés de bière locale au Togo. Chacune avec sa particularité. Au rang de ces boissons, le ‘’Tchoukoutou’’ ou le ‘’Tchouk’’ en abrégé. Bière mousseuse et alcoolisée, elle est brassée essentiellement à partir du sorgho, deuxième céréale locale la plus cultivée au Togo, après le maïs. Plusieurs femmes brassent le Tchouk sur le territoire national. C’est une activité qui nourrit de nombreuses familles, de la production du sorgho à la fabrication de la boisson. La structuration du marché profitera aux milliers des acteurs qui interviennent dans la chaine de la fabrication.

Faut-il toujours produire le Tchouk de façon artisanale ? Industrialiser le secteur peut s’avérer bénéfique pour l’économie togolaise. Cela permettra de créer une marque forte autour de la boisson. Un processus qui débouchera sur le contrôle de la qualité et de l’hygiène, et aussi la certification. Elle pourra ensuite être facilement exportée. Il faudrait cependant mettre en place des structures de transformation. Ce qui constituera une source d’emplois pour des jeunes et femmes. Les brasseuses pourraient s’organiser en coopérative et être recrutée par les industries de transformation ou leur proposer des prestations. Plus la demande est élevée, plus la filière sorgho va se mécaniser au profit des producteurs.
Une identité
Il n’y a pas que l’aspect économique qui compte. La promotion du Tchouk, c’est aussi la valorisation de la culture. Elle est la première bière au Togo, selon certaines sources. Elle est préparée par plusieurs peuples du Nord Togo (Kabyè, Losso, Moba, et autres). Utilisée originellement lors des rites et cérémonies, elle de plus en plus prisée par les Togolais. A Lomé, comme partout sur le territoire, le Tchouk se vend dans certains marchés dédiés, dans des maisons et aux abords des rues.
Une petite calebasse perchée à un piquet de bois, c’est le signe distinctif des points de ventes ; lieux de rassemblement des personnes d’horizons diverses. Ils y vont, parfois, pour se divertir autour d’un pot, soit échanger ou même se rappeler leur identité. C’est aussi l’occasion de jouer des rythmes traditionnels tels que le Kamou, le Tchimou… Servi dans des calebasses, le Tchouk est aussi utilisé dans les cérémonies. En pays kabyè, les ancêtres l’utilisent lors de leurs prières aux fétiches. Elle est aussi utilisée lors des funérailles, mariages et autres événements.
Plusieurs activités peuvent donc se développer autour de cette boisson locale. Une société privée togolaise a lancé, il y a quelques mois, le conditionnement de ladite boisson dans des bouteilles avec l’appui technique de l’Institut togolais de recherche agricole (Itra). L’appui financier du gouvernement est aussi nécessaire pour le développement de ce genre d’initiatives.
Aujourd’hui, le Maroc peut se vanter de la labélisation de son couscous, ‘’Couscous Maroc’’. La Côte d’Ivoire a aussi lancé le processus de la protection juridique de son Attiéké. Au Togo, lequel des mets locaux peut faire objet de labélisation ?
Elisée Rassan