Entrepreneure, Marie Julienne Dusenge, 27 ans, est titulaire d’une licence en marketing et communication. Métier qu’elle exerce au sein d’une société. En dépit des nombreuses péripéties de la vie, elle a su écrire son histoire. Du décès de son papa à sa grossesse, sans oublier les critiques de son entourage, la Rwandaise résidant au Togo a tiré son épingle du jeu. Modèle à suivre, elle veut tendre les mains à la gente féminine, particulièrement celles qui traversent des difficultés.
Après l’obtention du baccalauréat – série G3, Marie Dusenge a effectué un stage au secrétariat de l’Agence nationale de l’aviation civile (Anac) au Togo. Elle s’est ensuite inscrite en communication des organisations à l’Institut des sciences de l’information de la communication et des arts (Isica) à l’Université de Lomé. Mais elle ne terminera pas son parcours au sein de cette école. En troisième année, après son stage à la télévision, elle devra continuer sans son père qui vient de décéder. Nous étions en août 2018, et c’est bien le début d’une phase complexe de sa vie.
« Les filles ne sont pas mes enfants »
Tels sont les propos que tenait le père de Marie qui voulait des garçons à la place de ses deux filles. « J’aurai des enfants quand j’aurai un ou des garçons », proférait-il. Des discours ‘’discriminatoires’’ que Marie et sa sœur ne dirigeraient pas depuis leur enfance. Ce qui compliquait la relation entre elles et leur père. Seule leur mère se battait pour elles à cette époque. Le père n’a changé qu’à quelques mois de son décès.
La toute dernière fois que j’ai vu mon père, il disait à quelqu’un avec fierté : ‘’c’est ma fille’’. C’était la première fois que je vois cette fierté dans ses yeux. La dernière fois que ma grande sœur a vu mon père, il lui a dit : ‘’n’oublie pas la raison pour laquelle tu te rends à Dakar pour tes études’’. C’était nouveau tout ça.
Alors que la relation devenait stable entre les enfants et le père, il a rendu l’âme. Un coup dur pour Marie qui ne s’attendait pas à ce départ brusque même si son parent été très souffrant. « Son départ m’a très affecté. Parce j’ai commencé par apprécier notre relation », regrette Marie.
L’inattendue
Alors que Marie Julienne Dusenge n’a pas encore digéré le décès de son père, deux mois après, elle apprend qu’elle enceinte de cinq mois. Etrange tout de même. Elle faisait un stage en communication à l’Institut de formation en alternance pour le développement dédié à l’aquaculture (Ifad – Aquaculture), en décembre 2018.
« Je n’avais aucun signe à part des maux d’estomac. Et je ne voyais plus mes menstrues. Je croyais que ce n’était qu’une simple maladie alors que c’est une grossesse. J’ai fait un déni de grossesse », relate Marie.
Une période assez difficile. L’auteur de la grossesse n’a jamais assumé sa responsabilité depuis la grossesse jusqu’aujourd’hui. Marie a préparé la venue au monde de son enfant grâce au stage qu’elle effectuait et surtout avec le soutien de sa mère et de sa sœur.
De la formation à l’entreprenariat
Six mois après la naissance par césarienne de son petit garçon, Marie reprend les activités. Responsable communication à Fondacio Togo, elle s’est inscrite en troisième année de marketing et communication dans une école privée. Parallèlement au cours du soir, elle ouvre sa boutique de friperie. Elle obtient sa licence en 2022. Elle se rend ensuite à Accra au Ghana pour améliorer son expression orale et écrite en anglais. De retour au Togo, elle a aidé Mme la 2e adjointe au maire du Golfe 2 a assuré sa communication. Après une brève collaboration, elle a été engagée chez E-vendeur en tant que chargée à la formation. Aujourd’hui, elle assure avoir trouvé ‘’mieux’’.
Plusieurs facteurs ont permis à Marie de se reconstruire. « Les expériences de la vie m’ont permis de voir les choses autrement. J’ai subi des critiques de la part des connaissances et même des inconnus. J’ai déprimé mais j’ai su me relever, j’ai fait un travail sur moi avec l’aide de maman et de ma sœur qui a fait la psychologie. Je ne voulais pas que ma vie affecte mon enfant », explique-t-elle.
Bien que le père de Marie n’était plus, elle a toujours eu l’envie de montrer « qu’avoir des filles pour enfant est une grande fierté ». Parce que pour elle « la fille ou la femme peut faire mieux que les hommes dans plusieurs domaines ».
Le parcours de Marie suscite intérêt et admiration. Ses proches en sont fières. Sandra Koumebio, jeune responsable de communication, partage une bonne relation avec elle depuis l’université. « Marie a su affronté avec tact les difficultés. Sans soutiens, il est facile de sombrer. Sa famille a été à ses côtés. Pas suffisant, il faudrait également avoir la volonté et de l’estime de soi. Je pense que c’est ce qu’elle a su avoir. C’est une personne assez sociale, ouverte. Elle aime les gens à cœur ouvert. Elle est persévérante », déclare Sandra.
Aider les filles et les femmes
Marie Julienne Dusenge a en tête un projet en faveur des jeunes filles et femmes. « Si j’avais écouté ce que mon père disait, je serais découragée. Il y a des filles dans cette situation. J’aimerais les aider, surtout psychologiquement », projette-t-elle. Elle veut aussi aider les mamans, « celles qui sont et le père et la mère de leurs enfants ». Elle est disposée à apporter son savoir à celles qui désirent mettre en place une activité génératrice de revenus ou veulent se servir d’internet pour gagner de l’argent.
Je suis prête à leur montrer des stratégies commerciales afin qu’elle puisse mieux vendre. Même ne serait-ce que les écouter pourrait les aider. Ceux qui veulent s’associer à moi pour cette cause, sont les bienvenus peu importe le type d’appui. Je n’aimerais pas que les filles vivent la même situation que moi.
« La grossesse n’est pas une fin en soi. C’est une bénédiction. Certes, certains n’ont pas le soutien de la famille. Mais battez-vous, le Dieu qui vous a donné l’enfant sait que vous pouvez vous en occuper », conseille Marie Dusenge. Elle invite les victimes à « ignorer les insultes et à mettre Dieu au centre de leur vie ». « Je n’ai pas dit d’aller dormir dans les églises ou de rester à la maison sans rien faire soit disant qu’il y aura un miracle », insiste-t-elle. « Vous êtes intelligentes. Vous pouvez mettre en place une activité génératrice de revenus. Vous pouvez utiliser les réseaux sociaux et l’internet pour gagner de l’argent. Faites ce que vous aimez. Ça sera difficile, mais vous allez arriver à bon port », ajoute l’entrepreneure.
Malgré le parcours encourageant de Marie, elle dit n’être qu’à ses débuts. « Je dirai : j’ai réussi, le jour où tous mes objectifs seront atteints », conclue Marie Julienne Dusenge.
Elisée Rassan