
« Quand je parle de ‘’Atiklè’’, je parle du tabouret. Et quand je parle du tabouret, je parle de la dot, de la femme, du foyer, de l’intronisation », explique l’artiste plasticien togolais Mawuko Abosseh à propos de son exposition en cours à l’hôtel Onomo et à l’Institut français de Lomé. Une série de peintures et de sculptures liées par leur histoire, les thématiques qu’elles abordent et caractérisée par une certaine originalité. Intitulée ‘’Atiklè’’ (tabouret ou siège traditionnel en Ewé), elle reste ouverte jusqu’au 30 septembre 2022.
Au-delà de l’aspect esthétique des œuvres – une cinquantaine – qui interpelle, elles sont une invitation à la découverte de la symbolique du tabouret en Afrique, en rapport avec la femme. « Avec la modernisation, la jeune génération oublie sa source », regrette Mawuko Abosseh. A travers donc cette exposition, l’artiste plasticien souhaite « ramener les gens à la source pour qu’ils comprennent que l’Afrique a des cultures ».
Le tabouret, la femme, quel rapport ?
La femme africaine est au cœur de l’art de M. Abosseh. On la retrouve sur la majorité des toiles. Loin du sourire et de sa forme généreuse que l’artiste met en valeur, elle cache parfois des douleurs.

Du célibat au mariage, de la monogamie à la polygamie, l’artiste peint le quotidien de la femme, ses moments de joie et de détresse. Réalisés en six mois, ses travaux mettent aussi en lumière les conséquences de certaines relations sur les enfants.
Je ne suis pas contre la polygamie. Mais il faut reconnaitre qu’elle est à l’origine de plusieurs problèmes au sein des foyers. Que celui qui n’est pas capable d’assumer ses responsabilités, ne s’engage pas au risque de faire souffrir des générations.
Considéré aujourd’hui par plusieurs, comme un simple objet usuel, le tabouret (Atiklè en Ewé) a une valeur symbolique dans certaines régions de l’Afrique de l’Ouest. C’est le cas dans certaines contrées du Togo, Ghana, Nigéria et Bénin où il fait obligatoirement partie de la dot. Il est utilisé dans le cadre des rites qui précèdent le mariage. Le tabouret symbolise la stabilité, la paix et aussi la soumission. Des valeurs importantes pour un foyer stable. C’est aussi un symbole de domination lorsqu’on se réfère au trône royal. Une thématique à laquelle s’intéresse l’artiste.

En peinture comme sculpture, l’artiste matérialise différents types de tabourets. Chacun véhicule un message particulier, en fonction de sa forme, ses dimensions et de l’usage qu’on en fait selon les contextes. Plus le tabouret est grand, il représenterait au mieux, un foyer heureux. De toutes les façons, « on ne peut comparer les couples. A chacune, ses réalités », conclue l’artiste.
« Un don divin »
Mawuko Abosseh se sert du bois et le fer pour réaliser ses sculptures, des assemblages qui nécessite parfois la soudure. Il se sert de la ferraille de véhicules abandonnés, tels que des chaînes, des jantes, des moteurs. Sa contribution à la protection de l’environnement.

Artiste autodidacte Mawuko Abosseh vit et travaille à Lomé. « Je vis principalement de l’art. Je ne fais que ça », affirme-t-il. Né en 1987 à Lagos au Nigeria, il a commencé par dessiner dès l’enfance. Le désir de mieux faire et la rencontre de certains artistes plasticiens lui ont permis de peaufiner sa créativité. Il estime que son art est « un don divin ».
« J’ai l’image en tête. Quand je finis de la réaliser, elle me dit la raison pour laquelle elle est venue. Des fois, c’est le contraire. J’ai un message à véhiculer. Je réfléchis ensuite à comment le matérialiser. Des fois, l’idée vient comme un rêve », explique-t-il.
Mawuko Abosseh a participé à plusieurs évènements artistiques dans des pays tels que le Togo, le Bénin, la Côte d’Ivoire, l’Egypte… Il a exposé ses œuvres à l’occasion de l’exposition collective qui s’est déroulée à l’Hôtel 2 Février de Lomé en marge du 62ème anniversaire de l’indépendance du Togo.
Elisée Rassan
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