Adidogomé-Ségbé, une route à refaire

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Des conducteurs en circulation sur la route

La route du développement passe par le développement de la route. Dix (10) années après son bitumage, la route Adidogomé-Ségbé, longue de 10 km au nord-ouest de Lomé, est devenue vétuste. En l’état, elle est nuisible et beaucoup de personnes la redoutent. Hélas, comme ce 27 septembre 2021, les habitants sont astreints à l’emprunter en dépit des risques, faute de mieux. Avec inquiétude, impuissance et espérance, ils invoquent un sauveur qui tarde à venir.

Lundi matin, jour de rentrée scolaire et de travail à Ségbé et autres localités environnantes. Visages fermés, masques de protection aux nez, lunettes aux yeux, les usagers commencent malgré eux, le parcours du combattant. Les maisons sont sales, les abords restreints et la voie n’est pas à double sens. Sur la chaussée poussiéreuse remplie de nids de poule, il est difficile de respirer un air sain, au grand dam de Vivi, gérante d’une boutique de prêt-à-porter.

Les vêtements prennent rapidement la poussière et deviennent moins attrayants. Je suis obligée de les vendre à bas coûts pour écouler le stock et me ravitailler.

Plus loin, dans la cour du lycée technique Saint-Joseph, Béni regrette de ne pas pouvoir « utiliser plus d’une fois l’uniforme sans la laver ».

La santé mise à rude épreuve

Au bord de la route, le pharmacien Serge affirme qu’il reçoit des clients avec des ordonnances pour « acheter des produits contre les lésions pulmonaires, les infections, la toux et le rhume occasionnés par la poussière inhalée ». Même confession faite par Carole, infirmière à la clinique Esperendieu : « Des personnes malades viennent se faire consulter. Très souvent, elles souffrent des retombées de l’air défectueux respiré quotidiennement ».

Natif de Ségbé, Kodjo était plus jeune quand le chemin fut réalisé à la suite de l’élection présidentielle de 2010. Il est peiné de voir ce qui en est resté.

Chaque usager est obligé de prendre des médicaments le soir, après des allers et retours au cours de la journée. Les femmes enceintes n’arrivent plus à emprunter l’itinéraire. Lorsqu’il y a un accident dans le milieu et que nous téléphonons à une ambulance, elle met du temps à arriver. Souvent, la victime succombe aux blessures.

Un business mal en point

Sur le tronçon Wognomé-Ségbé-Akato, les affaires sont moins prospères pour les chauffeurs. Jacques en fait partie : « Je ne peux pas aller et revenir plus de deux fois dans la journée sans que mon véhicule ne se réchauffe. Pourtant, je dois manger et subvenir aux besoins de ma famille ». Là où le bât blesse, c’est que « les policiers nous rackettent habituellement ».

La chaussée poussiéreuse vue d’en haut
La chaussée poussiéreuse vue d’en haut

La situation est quasiment identique chez les conducteurs de taxi-moto. « En période de pluie, nous sommes contraints de laisser traîner nos pieds dans la boue. Parfois, nous tombons à terre parce que le sol est glissant. A cause de l’impraticabilité de la piste, le business a du plomb dans l’aile. Il faut assez de temps pour conduire un client à destination. Nous ressentons ensuite une lassitude du corps lorsque nous rentrons à la maison, auprès de nos femmes et enfants », témoigne Landry.

A l’aide !

Landry implore les gouvernants à « refaire la route, avec des caniveaux ». Tout près, sa mère, revendeuse sous un parasol, s’exclame les larmes aux yeux.

Oh gouvernement, sauve-nous ! A aucun moment, nous ne vivons dans une quiétude. Les eaux de ruissellement stagnent dans nos domiciles, à défaut de rigole et de bassin de rétention d’eau.

La fin du calvaire est proche

Des sources contactées au ministère des Travaux publics et à la commune du Golfe 7 ont révélé que la reconstruction complète de la route débutera dans quelques mois : « Les populations de Ségbé ne sont pas laissées pour compte. Il existe des chantiers du nord au sud que l’Etat entame l’un après l’autre, en tenant compte des critères comme le nombre d’habitants, le flux, la position stratégique de la voie et son niveau d’impraticabilité, les infrastructures présentes dans la zone ».

Le Togo exécute une politique de grands ouvrages routiers depuis 2005 : « De 2006 à ce jour, les pouvoirs publics ont investi plus de 1 000 milliards de francs CFA dans la modernisation du réseau routier national long d’environ 11 800 km ».

De 29% en 2012, le taux de routes revêtues avec un bon niveau de services devrait atteindre 60% en 2025. Ce sont là des preuves que les autorités s’évertuent à faire du Togo un hub logistique. Mais il faut aller étape par étape, zone après zone.

On n’est jamais mieux servi que par soi-même

Le meilleur développement est celui initié par les populations elles-mêmes. En attente des travaux, les riverains peuvent se concerter et trouver des palliatifs comme « le remblayage des trous, l’arrosage régulier du sol, l’installation des dos d’âne pour éviter les accidents, la mise en place des lampadaires pour faciliter le passage la nuit et combattre l’insécurité nocturne », propose Yves Gatôh, spécialiste du BTP.

Pour amortir les dépenses, « un poste de péage provisoire peut être créé au niveau duquel les usagers pourraient payer de façon volontaire pour leur passage ». Par-dessus tout, « les Comités de développement de quartier (CDQ) doivent approcher les responsables de la commune pour leur exposer les difficultés rencontrées, demander de l’aide, réfléchir et trouver des solutions plus durables ».

Le soir, écoliers, étudiants, commerçantes, conducteurs, fonctionnaires… rentrent à la maison épuisés, moins propres que le matin et tristement convaincus qu’à chaque jour suffit sa peine. Depuis des années, c’est l’espoir [qu’un jour, la route sera rénovée] qui les fait vivre.

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