« Du miel tombe du ciel… Les enfants jouent dans les marées… Les arbres enfantent des fruits d’or…Une mère lit un poème à son garçon… Du miel tombe du ciel…Un rendez-vous entre le désir et le corps… Une chanson d’amour à mi-chemin entre la promesse de l’aube et le chaos de la ville… Du miel tombe du ciel … Un garçon dit je t’aime à une fillette… Les femmes accouchent dans l’allégresse et font encore des yeux doux à leur mari… ». Voilà un peu à quoi ressemble le monde auquel nous convie Kalbesh Kutsonya, dans son livre Pluie de miel. Un monde de cocagne où pleuvent miel et merveilles.
Aujourd’hui, face aux images atroces de plus en plus récurrentes dans les sociétés, les hommes ont presque oublié la beauté des choses, cette admiration béate du monde. C’est ce que cherche à pallier ce livre qui répand amour et douceur. Pluie de miel est donc une invitation à l’émerveillement et à l’enchantement, une invitation à (re)découvrir « le premier matin du monde ».
Publié en 2020 chez Ponts de Lianes, le recueil de poèmes est subdivisé en cinq parties : « Electrolyse du mot », « Il suffit de… », « Voyages », « Pluie de miel », « Floraison du mot ». Les thèmes y courent à foison : de l’amour au désir, en passant par la femme et son corps dans tout ce qu’il a de sensuel, d’inflammable, et aussi de mystérieux ; la mort, le désespoir, l’enchantement… La force de la poésie de Kalbesh réside surtout dans la beauté du propos. Des combinaisons de mots, un petit jeu de langage et on redécouvre avec lui le monde autrement.
Je plante des mots en fleurs / Comme des cheveux crépus / sur la tête du chauve qui sourit / Comme des cheveux longs sur la tête des jeunes filles / Qu’une main douce tresse avec le bleu du ciel / Quand il fait un temps de demoiselles (P71).
L’amour dans ce livre est multidimensionnel. Il prend tantôt la forme de désir et de tendresse ; tantôt de manque et de souffrance. L’écriture n’y va pas aussi de main morte, versant dans un lyrisme tantôt romantique tantôt sensuel :
J’aime quand tu m’ouvres tes lèvres / Fontaine de baisers chauds qui laissent couler sa jouissance / dans les poches de mes draps / et inonde mes nuits de rêves montgolfières… (P16).
L’amour charnel se déploie surtout autour de Boéra, un personnage haut en couleur qui traverse tout le recueil. C’est autour d’elle que va se mobiliser tout le langage sensuel de l’œuvre. Elle incarne la figure de la femme fatale, mais aussi de la femme aimante, compatissante, et consolatrice.
Car il est dit dans mon poème que tu es Boéra aux cent mille baisers / Au carrefour de cent mille lèvres/ Autour de toi / tout mon poème est un confetti de lune et de mer sucrée offert à la douleur / Je te porte en moi comme un pays blessé
Tu es femme / Moi je t’appelle Femmiel / Boéra de tous les corps-gâteaux / Partagés à mes désirs minuscules / Tu coules dans le miel / Et le miel coule en toi
Pluie de miel est aussi un livre de réflexion sur l’écriture et sur la poésie elle-même. Que peut la poésie face au monde ? Face à la voracité du malheur ? Pourquoi écrit-on ? « J’écris pour réparer ma mort » (P13), répond Kalbesh Kutsonya. Les hommes meurent, et avec le temps, on finit par les oublier d’une manière ou d’une autre. Le poète voit certainement dans l’écriture, une arme contre cet oubli dans la mémoire collective qu’impose la mort. On comprend donc plus aisément la place qu’il accorde à ces proches qu’ils mentionnent ou convoquent assez dans cet opus. Le long poème sur l’amitié à la page 77 dans lequel il cite une quinzaine de proches, à qui il envoie chacun une pensée chaleureuse, constitue un exemple parfait :
Ce soir aussi plus que jamais / Je pense à mes compagnons de l’éternité / Parce que Guenou n’est pas mort / Il dort dans ses nuages / Parce que la vie étant un alcool fort / Chaque séisme en l’homme réveille le Davertige en moi / Et chaque bonté humaine réveille le Philoctète en moi.
Avec Kalbesh Kutsonya, l’écriture n’est donc pas une entreprise solitaire mais plutôt une aventure collective.
Qui est Kalbesh Kutsonya ?
Né à Lomé en 1996, Kalbesh Kutsonya est un jeune écrivain togolais. Il a publié deux ouvrages : Savon Sale (roman, 2017) et Pluie de miel (Poésie, 2020) publiés chez les Editions Ponts de Lianes à Lomé. Actuellement web journaliste chez Elym Média, Il est le Coordonnateur du Club de Lecture Exprime-toi.. Il est membre de l’Association des Ecrivains du Togo (AET).

Distinctions littéraires
-1er Prix du concours Africa Poesie Yaoundé 2017, avec le texte « Dans le cachot des miasmes »
-2e Prix du concours de poésie Sur les traces de Léopold Sédar Senghor, 2019 avec le texte « Moi, je dis qu’il faut rester »
– Finaliste du Prix de la Vocation (Poésie) de la Fondation Bleustein Blanchet avec le texte « Pluie de miel »
– Finaliste du concours de poésie Sur les traces de Léopold Sédar Senghor, 2020 avec le texte « Que les miens vivent ».
Super analyse